L'Amelia de Maria Callas

Publié le par GuiReu


Maria Callas en décembre 1957, dans "Un bal masqué" de Verdi

Maria Callas n'aborda qu'un nombre limité de rôles dans sa carrière, mais cette Amelia du Bal Masqué eu la particularité d'être travaillée d'abord au studio avant de subir l'expérience de la scène. A cette époque, Callas multipliait les sessions d'enregistrements en studio, fixant des rôles au disque (Norma, Tosca ou encore Médée), ou enregistrant des rôles qui, scèniquement, ne l'intéressaient pas. (Nedda, Mimi, Manon Lescaut) On se rappelle de l'influence déterminante qu'eut Walter Legge, mari d'Elizabeth Schwarzkopf et directeur d'EMI/Angel sur la carrière discographique de la diva assoluta ; c'est un peu grâce à lui que le mythe est aussi présent encore aujourd'hui.

Un ballo in maschera, crée en 1859, est un opéra de la maturité de Verdi, que nous aimons beaucoup au GW, parce qu'il est tout simplement verdien, et que en dépit d'un livret d'un intêret moyen, l'économie dramatique et l'invention mélodique verdiennes y trouvent leur apogée.
Il fait suite au Grand Opéra à la française "Les Vêpres siciliennes" (que nous nous ferons un plaisir d'évoquer ultérieurement) et à l'opéra novateur "Simon Boccanegra".

Verdi situait le livret original dans la Suède de Gustave III, i.e vers 1792. Il s'inspire de l'assassinat de ce dernier par le comte Anckärström. Seulement, comme pour Rigoletto, dans cette Italie qui sort à peine du joug autrichien, la censure veille, et oblige Verdi à déplacer son drame en Amérique, à Boston. Gustave III est dégradé Comte de Warwick (Riccardo). Renato (Anckärström), son meilleur ami, croit que sa femme l'a trahi avec le comte, et assassine ce dernier.

Le rôle d'Amelia, femme d'Anckärström et amoureuse de Riccardo, aura pour célèbres titulaires Birgit Nilsson, Margaret Price, Montserrat Caballé, Leontyne Price et surtout Maria Callas, inégalée.

La chanteuse à son apogée offre déja une incarnation poussée en studio.
Dès son entrée, accompagnée par des traits de cordes (cf Traviata, arrivée de Violetta, final de l'acte II chez Flora) et sa première phrase "Segreta acerba cura" on est émerveillés.
Beauté ronde du timbre, phrasés toujours soigneux, clarté des mots, elle est déja Amelia. L'héroine apparaît sous chacune de ses facettes, désespérée ("Consentimi, o signore"), résolue ("Ecco l'orrido campo"), amoureuse ("Oh qual soave brivido"), implorante ("Morro, ma prima in grazia")
Dés lors, assurés de la présence de cette incarnation juste et vocalement irréprochable (sinon idéale),
on se décidera par les entourages et climats des deux enregistrements (un live, un studio) qu'EMI a mis sur le marché.


le studio de 1956

Dirigé par Antonino Votto, ce studio est d'une grande force. Dramatiquement, le chef brille à instaurer un climat avec l'Orchestre de la Scala, excellent.

Les chanteurs sont tous assez typés. Si Eugenia Ratti est un page un peu pénible (que nous retrouverons mieux éclairé sur le vif), Fedora Barbieri chante Ulrica, la sorcière, dans son arbre généalogique, avec des graves impressionnants.
On a déja dû parler de Tito Gobbi, baryton italien d'une classe certaine. Il n'aimait pas Renato, mais son incarnation est comme à l'habitude assumée. On peut lui reprocher encore une fois le chant un peu monolithique, mais c'est une question d'affinités vocales.

Le comte de Giuseppe di Stefano divisera encore plus les rangs. Il y a les glottophiles qui lui reprocheront ses aigus ouverts à toute berzingue, son manque d'orthodoxie et les autres, qui verront la séduction immédiate du timbre solaire et surtout, la franchise, la générosité à toute épreuve de ce sicilien.
Certes, Bergonzi est plus noble. Certes, Pavarotti possède un timbre plus riche. Mais l'investissement dramatique de di Stefano est supérieur, et on ne comprend toujours pas au GW l'acharnement des critiques à son encontre. (allant jusqu'à le qualifier de "piètre chanteur"). On se promet un petit billet prochainement sur lui.


Giuseppe di Stefano, un des plus grands ténors de tous les temps

Cet enregistrement studio est donc indispensable, gratifié en plus d'une superbe mono.


le live de 1957

Le 7 décembre 1957, jour de la Saint Ambroise, à Milan, c'est l'ouverture de la Scala. Gianandrea Gavazzeni est dans la fosse scaligère et insuffle à ce Bal Masqué un grain de folie.

Ettore Bastianini est merveilleux vocalement, par rapport à Gobbi, c'est cependant plus plat au niveau théatral. De même, Giuletta Simionato chante superbement, mais il lui manque le coté "vrai sorcière" que savait insuffler Barbieri.

Nous retrouvons notre couple star, en trés bonne forme, investi, gagné par la folie de la soirée.

C'est plus un complèment qu'un indispensable, mais on peut aussi commencer par là. Autre point positif, le son est plutôt bon. (sans commune mesure il est vrai avec le studio)


On l'a compris, Maria Callas aura marqué de la plus belle des façons ce magnifique rôle d'Amelia. Bien entourée à chaque fois, avec un bon chef dans la fosse, ces deux intégrales sont une pierre conséquente du legs Callas. A vous de choisir !

Et pour les curieux, voici une véritable
étude documentaire sur ces représentations du Bal Masqué, sur l'Amelia de Callas, en anglais, par le Callas Club.


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