Friedenstag (R. Strauss)

Publié le par GuiReu

Pour accompagner votre lecture de façon festive, Friedenstag, choeur final  paroxystique dans la version dirigée par Wolfgang Sawallisch (EMI) seule disponible sur Deezer, moins réussie que Sinopoli, même dans ses élans de joie.

 

CSS en a déja fait l'évocation, mais nous ne pouvions résister à la tentation de marquer notre retour en ces lieux par un petit compte-rendu de ce Friedenstag de Richard Strauss, découvert récemment.

 

1. C'est quoi, Friedenstag ?

 

Richard Strauss, peinture de Max Liebermann, 1918 (à l'époque de la Femme sans Ombre donc)

 

Jour de paix (Friedens-tag) a été composé à partir de 1936 par un Strauss déja âgé, et représenté en 1938. Le contexte est important ici : Strauss a été privé par les nazis de Zweig et dû se contenter de Joseph Gregor pour librettiste. Le compositeur était en sérieuse perte de vitesse auprés du régime aprés avoir écrit une lettre à Zweig interceptée par la Gestapo, dans laquelle il disait qu'il se contentait de "mimer" son poste de président de la Reichmusikkammer.


Friedenstag se place donc dans les opéras de Strauss aprés Arabella (1933) et die Schweigsame Frau (1935) et avant Daphne (1938), Die Liebe der Danae (1940) et Capriccio (1942).

 

L'oeuvre dure 1h15. L'action se déroule le 24 octobre 1648, dans une citadelle assiégé. Les personnages principaux sont l'héroïque mais inflexible Commandant (baryton) et sa femme Marie (soprano). Le Commandant menace de faire sauter la citadelle avec lui pour ne pas perdre son honneur, lorsque l'ennemi entre dans la cité : la paix a été signée à Münster.

Le livret est donc de Joseph Gregor mais l'idée est bel et bien de Stefan Zweig.

 

2. Pourquoi écouter cette oeuvre ?

 

Pour sa  synthèse straussienne tout d'abord : la première heure alterne les styles et les genres. Nous passons d'une chanson de ténor italien (caricature du ténor chère à Strauss - cf Rosenkavalier, Intermezzo ou Capriccio), à un duo d'amour (un peu longuet), jusqu'au choeur du peuple réclamant du pain. On ne sait pas trop de quoi rapprocher cette heure variée : il y a à la fois du Strauss percutant (Salomé ou Elektra) et sirupeux.

 

Mais surtout, l'immense intêret de l'oeuvre tient à son délirant final, son quart d'heure d'exultation absolue. Vous en écoutez déja (cf haut de la page) l'optimiste choeur de conclusion. ("N'ayez crainte, soyez confiants, osez regarder la lumière divine") Cette exultation non retenue est une première (ou presque) chez Strauss, qui brise toujours ses élans de joie, comme ceux de Chrysothémis dans Elektra. D'aucuns parlent d'une ressemblance avec Mahler : nous ne connaissons pas assez ce compositeur pour confirmer.

 

L'oeuvre a été jouée 130 fois entre 1938 et 1940, elle est même presque devenue un emblème du régime. A l'heure où Hitler multipliait les provocations et extensions territoriales, pourquoi les nazis ont-ils porté au pinnacle une oeuvre où la paix est tant celébrée ? Nul n'a la réponse à cette question, si ce n'est que, pour le fonctionnaire chargé de l'examiner, "son pacifisme est aussi celui du Führer"...

 

3. Quelle version écouter ?

 

Contrairement à d'autres oeuvres straussiennes, le marché est loin d'être saturé d'enregistrements de Friedenstag...

 

Il existe à notre connaissance trois versions. Nous aurions bien voulu écouter la version Krauss 1939, apparement difficilement trouvable dans la collection Wiener Staatsoper de Koch Schwann, bénéficiant de la présence de l'auguste chef, du grand Hans Hotter, de Viorica Ursuleac et d'Anton Dermota.

 

La version Sawallisch 1989 (EMI) semble disponible et trouvable, nous ne savons cependant pas si le livret y est traduit en français. Nous avons entendu des échos mitigés sur cette version, prise sur le vif.

 

Reste donc la splendide version Sinopoli 1999, avec Voigt et Dohmen. Un des derniers enregistrements du chef, et une grande réussite qui rend parfaitement justice à l'oeuvre. L'édition DG avec livret (et textes de spécialistes) se trouve à partir de 35€ en occasion (à vous de voir), mais Briliant va la ressortir. Nous ne savons pas si un livret sera fourni : s'il est fourni, peu de chances qu'il soit traduit en français...

 

Nous vous tiendrons au courant dans les commentaires de cet article si nous disposons de plus d'informations sur cette réedition.

 

Pour vous faire une idée, MusicMe propose les versions Sinopoli et Sawallisch en libre écoute.

 

 

Bonne écoute !

 

 

Wagt es zu denken,

wagt zu vertrauen

wagt in das göttliche

Leuchten zu schauen !

Die uns erschüttern

die uns noch blenden,

Zeichen sind es,

die niemals enden !

Brücken, die wir

zu beschreiten nicht wagen

leicht werden sie

die Zukunft ertragen.

Wagt es zu denken,

wagt zu vertrauen

schwelgt in gewaltgem

Liebesumfassen !

Ströme des Herzens,

endloser Jubel !

Flamme der Liebe

aufwärts, aufwärts -

Herrscher Geist, zu dir !

 

(tout de même, Gregor a plutôt réussi ce texte...)

Publié dans Richard...Strauss

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D
<br /> <br /> En réalité, ce n'est pas libre de droits en France, puisque Strauss est encore protégé (il est mort tard, le bougre, tout ça pour écrire un Concerto pour cor supplémentaire...).<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> J'ai (l'agréable) impression que j'aurais pu écrire une bonne partie de ceci, c'est peu dire que j'abonde sur les qualités de cet opus !<br /> <br /> <br /> Tu devrais peut-être te mettre en quête de Krauss / Hotter, mais c'est devenu introuvable...<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> J'ai l'impression, si une âme charitable pouvait le mettre en ligne... (libre de droits)<br /> <br /> <br /> D'ailleurs, toute cette collection Koch est devenue introuvable.<br /> <br /> <br /> <br />