Ecoute comparative : Don Carlo (3)
Première partie : la distribution
Seconde partie : orchestre et conception d'ensemble
Nous comparons ici la version Giulini de 1970 et la version Karajan de 1979. La distribution et l'orchestre avait donné un avantage à Giulini pour son équilibre et sa théatralité, même si Karajan affichait une distribution plus prestigieuse. Quelques scènes pour se faire une idée maintenant. Les actes donnés entre parenthèses sont ceux de la version en 5 actes.
I. La scène de l'Inquisiteur (ACTE IV)
Deux scènes chacune d'une grande classe, mais Karajan est d'une splendeur et d'un grandiose qui, transcendant Ghiaurov et Raimondi, offre une scène épique, enveloppé d'un halo de mystère, de noirceur et carrément . Giulini est aussi trés bon, offrant une scène plus précise mais son Inquisiteur, Foiani, manque clairement de la finesse (et de la cruauté) que peut avoir Raimondi.
A défaut d'une scène Raimondi/Raimondi, on préférera Karajan (Raimondi/Ghiaurov) dirigée de façon totalement mystique. Giulini est à hauteur d'homme ici.
II. L'autodafé (ACTE III)
La fanfare de Karajan explose ici tout, même les chanteurs et oublie le véritable objet de la scène, qui est un obligé du grand Opéra à la française. Si on peut trouver un dynamisme et une classe certaine à Karajan, la prise de son, le bruit démesuré de son orchestre ne font pas le poids face à Giulini. Le chef italien offre une scène magnifique et précise, parfaitement égale niveau prise de son, et avantageant les choeurs, même les moins forts, face à un Karajan qui les noient.
III. "Dio che nell'alma" (ACTE II)
Ce duo fonctionne essentiellement grâce au ténor et au baryton, mais c'est aussi l'affaire du chef, qui ne doit pas noyer les chanteurs dans la masse sonore. Nous avons affaire ici à deux équipes diamétralement opposées.
Chez Karajan, José Carreras réalise de beaux aigus et fait une performance excellente aux courbes mélodiques sublimes. Cappuccilli est nettement moins bon, et tous deux ne sont pas avantagés par la prise de son absolument catastrophique, c'est à peine si on entend les choeurs dérrière et José Van Dam se méler dans le duo. On garde cette version essentiellement pour Carreras, en fait.
Chez Giulini, Placido Domingo choisit le jeu collectif (comme toute l'Equipe de cette version) avec un Sherril Milnes comme on en voit rarement, et marient leurs voix qu'on est à peine étonné de les revoir si souvent ensemble au disque ! Pas de sublimes courbes et crêtes à la Carreras ici, Domingo est beaucoup moins rayonnant dans les aigus, mais la prise de son l'avantage grandement. Notons un Simon Estes en Charles Quint terrifiant dans sa voix, se mariant le temps d'un instant avec Sherril et Placido, dans une prise de son qui, redisons le encore une fois, est SU-BLIME.
Avantage Giulini, mais Karajan fait bonne figure tout de même.
III. "Ella giammai m'amo" (ACTE IV)
Comparer un air revient à comparer deux chanteurs, et pour clore un tel exercice quoi de mieux que d'opposer les deux plus grands Philippe II du dernier demi-siècle ?
Ruggero Raimondi (Giulini), réalise ici un de ses meilleurs airs. Mélancolique, tourmenté, il campe avec sa voix de velours tout en nuances un Philippe dans la fleur de l'âge. Il est glaçant et Giulini le suit avec un bonheur extraordinaire.
Nicolai Ghiaurov (Karajan) est un peu décevant ici : certes trés bon, il est beaucoup plus en plein jeu que Raimondi et, on s'en doutait moins fin et surement pas avantagé par Karajan et la prise de son. Il reste cependant trés efficace.
Avantage Raimondi, pour son incarnation, mais Ghiaurov est tout de même trés bon.
CONCLUSION :
GIULINI : 19/20
Prise de son sublime
Equipe fonctionnant parfaitement
Raimondi en Philippe II : incarnation parfaite
Théâtre constamment présent
Giulini précis et concret
KARAJAN : 12/20
Prise de son franchement passable
Equipe de trés bon niveau
Scène de l'Inquisiteur sublimée
Studio, mais vraiment studio.
Karajan bruyant