Tosca-Sabata 1953 : la plus grande Tosca ?

C'est un disque devenu définitivement culte que nous allons chroniquer : la version de Victor de Sabata de l'opéra de Giacomo Puccini Tosca, enregistrée en 1953. Tosca est un opéra que nous apprécions énormément, et surtout par le biais de ce disque, devenu un des indispensables du disque et la plus conseillée, la plus vénérée des cent-deux Tosca officiellement parues.
Maria Callas disait "ce rôle arrive en dernier sur la liste de mes préférences", pourtant c'est à notre avis là où elle atteint les sommets du génie, bien que définitivement indispensable en Violetta, Norma ou Lucia.
C'est aussi le rôle le mieux documenté de sa carrière, avec ainsi rien de moins que trois (!) deuxièmes actes captés par la télévision au Met' en 1956 (avec George London), à Paris en 1958 et à Covent Garden en 1964. (ces deux derniers bénéficiant de l'excellent Tito Gobbi, rien de moins que le seul concurrent sérieux dans le rôle à Ruggero Raimondi et Sherril Milnes...) Il est ainsi difficile de ne pas assimiler la cantatrice romaine à la Divine, et surtout dans le présent enregistrement.
En 1953, la cantatrice gréco-américaine a 30 ans. Elle atteint le point d'équilibre entre vocalité et dramatisme et jusqu'en 1958 ce seront ses meilleures années, magnifiées par le disque studio et live. C'est donc tout naturellement qu'elle vient à nous dans ce disque, par des Mario ! Mario ! délicats et urgents. Le duo qui suit est un point d'achèvement parfait, ainsi la voci delle cose formidablement soulignée avec une expression bellinienne et une ligne vocale adéquate.
Sa seconde apparition dans le premier acte fait entendre un registre dramatique ample et digne de la plus grande tragédienne du XXe siècle. La voix est magnifique, solidement déployée et empreinte d'une délicatesse et d'une tristesse qui font taire les détracteurs du timbre de Callas !
Moins d'hédonisme sonore mais plus de drame dans le deuxième acte. Il faut évoquer ici le Scarpia maléfique et brutal de Tito Gobbi, baryton italien qui s'accorde parfaitement et s'oppose avec force à la divine dans ces quarante minutes de tension. On peut trouver plus vocal (Milnes), plus calculateur (Raimondi) mais c'est trés habité tout au long du rôle.
Culminant dans un vissi d'arte dense et trés lyrique, ce deuxième acte trouve une justesse de ton inégalée dans cet enregistrement. Jamais trop d'exhubérance, et au final l'efficacité dramatique portée à son maximum par l'orchestre et les chanteurs.
Giuseppe di Stefano est un Mario lyrique, jeune, portée par son timbre solaire, sa gentilesse et sa générosité naturelle et qui rivalise et dépasse les "gros calibres" de l'époque que sont del Monaco et Corelli. Les Vittoria ! sont tout à faits remarquables (on sent l'effort cependant), mais le lamento du troisième acte et le duo qui suit sont définitivement là où le ténor sicilien réussit le mieux son Cavaradossi et nous émeut le plus. Il trouve lui aussi dans cet enregistrement son apogée stylistique et vocale et fera beaucoup, beaucoup moins bien dans l'enregistrement, en 1962, de Karajan.
Ces merveilles sont secondées par un orchestre de la Scala fabuleux et transfiguré par le chef, ainsi sans atteindre la richesse d'un Karajan, le chef Victor de Sabata donne une intensité inouie au drame et sait tirer le meilleur parti de cet orchestre trés professionnel. C'est plus qu'un chef de "routine" (Rescigno, Cleva, Mugnai...), c'est un des grands chefs italiens de ces années-là.
A notre avis le sommet absolu orchestral et émotionnel est atteint dans le dernier duo d'amour, juste aprés E Lucevan.
Il faut le dire, cette Tosca est servie par la plus belle prise de son qui soit, trés claire, mystérieuse, sans grésillement, ni souffle. Propre, mais engagée, en somme.
Ainsi, cette Tosca idyllique nous emporte totalement dans ces deux heures de drames sanglants et de passions meurtrières. Nous sommes au coeur de la légende callassienne dans ces bandes...qui se révèlent indispensables voire même obligatoires dans toute discothèque digne de ce nom.
Concernant les éditions : Il existe au moins 5/6 éditions différentes de cet enregistrement. La plus complète, c'est à notre avis dans la collection Great Recordings of the century , EMI (cf image supra) qu'elle se trouve. Le prix peut en être élevé, aussi trouve t-on un pressage NAXOS (surement remasterisé), plus économique. EMI l'a aussi ressorti sous pochette old school (style vinyle) à un prix trés correct.
Il circule aussi, comme les autres disques Callas (pochette noire trés belle) une édition EMI officielle.