Ecoute comparative : Don Carlo (2)

Publié le par GuiReu

Partie I ici
Suite de notre comparaison de deux versions majeures de Don Carlo, qui est probablement le chef d'oeuvre de Verdi, à notre avis.


2. L'orchestre et le théâtre

Deux conceptions s'opposent : le théâtre omniprésent de Giulini et le symphonisme de Karajan.




Carlo Maria Giulini prend clairement le parti du théatre ; tout porte ainsi vers ce but, au risque d'étre lourd, lent, parfois. Il faut savoir que son studio a été réalisé aprés une série de représentations à Covent Garden. Il s'agit donc d'une véritable Equipe, et comme nous l'avons dit dans le post précédent, plus d'un travail commun que d'invidualités brillantes.
L'autodafé, par exemple, est peu enclin à la fanfare généralisée : le son des cloches omniprésent, la qualité de la prise de son tendant à rendre égaux les "Spuntato ecco..." et les passages piani. Au final l'écoute est trés agréable, moins clinquante que ce qu'un Solti pourra faire. (mais bon, Solti...)
La lenteur de Giulini est cependant parfois un handicap, mais sans aller à ce que nous avons déja vu dans son Rigoletto de 1979.

Parlons de la prise de son : elle est sublime. Egalisant les voix et l'orchestre, chacun tendant au but du théatre (et non à se mettre en valeur), elle ne souffre d'aucun défaut technique, et tout est parfaitement audible sur un baladeur en ville. Ce qui n'est pas le cas de Herr Generalmusikdirektor...




Herbert von Karajan a connu plusieurs phases dans son style de direction et dans sa façon d'enregistrer. Pendant les années 1950 il réalise ses meilleurs enregistrements : Madame Butterfly avec Callas, Cosi fan tutte avec Schwarzkopf...le théatre est omniprésent, l'orchestre d'Herbert est déja là ; bref aucune raison de se priver de ce Karajan là. (sauf quand il coupe les dialogues et récitatifs)
Puis le chef, auto-considéré comme Dieu dès les années 70 entreprend de tuer le théatre. Il y parvient, faisant de l'opéra, en gros, une symphonie avec voix. (ou un concerto pour voix, c'est à voir selon)
Cet enregistrement, enregistré avec Berlin en 1978, ne fait pas exception. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est trés désagréable à écouter dans les passages tels que l'autodafé, à l'écoute sur baladeur il faut impérativement baisser pour ne pas se prendre 100 dB en pleins tympans... Bref Karajan se met en valeur, noie les voix brillantes, et le tout dans une prise de son qui sent le studio depuis Potsdam...(c'est enregistré à la Philarmonie...il doit y avoir une vingtaine de kilomètres entre...)
Seules exceptions, des passages inoubliables qui font une grosse partie du prix de cet enregistrement.


Avantage : Indiscutablement Giulini pour son équilibre général, son sens du théâtre, son équipe superlative.

Maintenant que nous avons disséqués la fanfare de Karajan et l'orchestre de théatre de Giulini, attaquons nous à des passages marquants, où, malgré les généralités que nous avons établies ici et dans le précédent post, les surprises peuvent exister.

A suivre donc !!

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D
C'est un Don Carlo moins affirmatif, plus incertain, voilà tout. Ca colle assez bien à la version en quatre actes où le personnage est totalement paumé du début à la fin.Domingo incarne plus une lecture entreprenante, une sorte de héros qui a toute les qualités requises pour marquer l'Histoire, mais que les circonstances changent en perpétuel raté.
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G
Carreras, à bien réfléchir je l'aime bien, ses merveilleuses courbes et dessins vocaux (écoute comment il fait "ah gran diooo !") dans dio che nell'alma sont sublimes ; mais je ne lui trouve pas la personnalité de Domingo. C'est peut étre normal dans cette version aprés tout.
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D
Je suis évidemment très en phase avec ce que tu dis du théâtre dans ce disque de Giulini. On croit entendre, bien que ce soit je pense enregistré à Abbey Road, le bruit sourd du chant étouffé par les décors, à la fin du I...Côté Karajan, tu l'as justement dit, il entreprend, sinon de tuer le théâtre, d'en recréer un bien à lui. Il faut tout de même rappeler qu'il hérite, hors Eboli et Inquisiteur ses principaux rôles de la distribution de la Scala avec Abbado en décembre 78 précédant les séances de janvier 79, il y a donc une habitude théâtrale qui a été sauvegardée - et puis il poussait vraiment ses chanteurs à s'investir. (Je ne partage pas, en revanche, ton avis sur Carreras, qui est une version plus pathétique qu'héroïque de Don Carlo, comparé à Domingo, mais tout aussi valable, y compris vocalement.)
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